DES DEBUTS DIFFICILES...
Une jeune ouvrière
      S’apprêtait à quitter
      La ruche nourricière
      Où elle habitait.
Essayant ses ailes,
      Elle bourdonna,
      Et droit devant elle,
      Elle s’en alla.
Elle filait, heureuse,
      Au-dessus des champs,
      Virevoltant, radieuse,
      Dans l’air du temps.
Pas du tout pressée
      D’entamer son labeur,
      Elle était bercée
      Par la douce tiédeur.
Embaumant l’atmosphère,
      De suaves parfums
      Augmentaient sa fièvre
      D’aller plus loin!
La vie nous tend des pièges
      Où nous tombons souvent,
      Et elle fait le siège
      De nos sentiments.
Nous apprenons à vivre,
      Parfois à nos dépens,
      Mais mieux que dans un livre
      Où rien ne nous surprend!...
Texte et illustrations de Nicole Bouglouan

Mais en fin de journée,
      Il lui fallut rentrer
      Là où elle était née,
      Et encore travailler...
Ses sœurs laborieuses
      Vidaient le pollen
      Que les fleurs généreuses
      Cachaient en leur sein.
Mais notre jeune amie,
      S’amusant tout le jour,
      Se trouva démunie
      Lorsque vint son tour!
Elle promit, honteuse,
      Que dès le lendemain,
      En abeille besogneuse,
      Elle ferait le plein!
La nuit passa tranquille
      Et au petit matin,
      Notre insecte docile
      S’envola plein d’entrain!
Elle fut attirée
      Par une belle maison
      Où des fleurs variées
      Poussaient à foison.

Mais ce fut la surprise
      Lorsque, vidant ses sacs,
      De la poussière grise
      S’étala tout en vrac!
Pourtant dans les calices,
      Elle avait récolté
      Cette poudre si lisse;
      Elle se révoltait!
Commençant à rire,
      Ses sœurs comprenaient.
      Il fallait lui dire
      Ce qui se passait...
Elles connaissaient toutes
      La jolie maison
      Qui longeait la route
      Là-bas, à l’horizon.
Et les potées fleuries
      Attirant les débutants
      N’étaient qu’hypocrisie
      Imitant le printemps.
Car c’était du plastique
      Qui formait les fleurs!
      Même les moustiques
      N’en aimaient pas l’odeur!
Remplies de poussière,
      Elles avaient trompé
      La petite ouvrière
      Qui débutait!
Elle se mit à rire
      Avec ses consœurs,
      Car mieux valait en rire
      Que verser des pleurs...
Avec un petit groupe
      Dès le lendemain,
      Formèrent une troupe
      A l’assaut du pollen!
Des étendues fleuries
      Aux massifs débordants,
      Aspirant les sucreries,
      Butinaient en tous sens!
Notre petite abeille
      Lorsque vint le soir,
      Goûtait la joie sans pareille
      D’avoir fait son devoir.

Tout autour, une galerie
      Chauffée par le soleil,
      S’ornait de poteries
      Aux bouquets vermeils.
Profitant de l’aubaine,
      Approchant son nez,
      L’abeille, sereine,
      Se mit à butiner.
Passant d’un pot à l’autre,
      Elle travaillait bien,
      Voulant comme les autres
      Revenir à plein!
Et en fin de journée,
      Rentrant au bercail,
      Montra à l’assemblée
      Le fruit de son travail.
