ERNEST ET SIFFLOTIN PRENNENT L’AVION
Un peu courbaturés, ils  rentrèrent chez eux, 
    Finalement assez contents de  leurs exploits. 
    Une fois encore, en restant  tous les deux, 
    Ils avaient assez bien conservé  leur sang-froid! 
Pour être plus forts, il faut  rester ensemble, 
    Et pour mieux affronter la  peur de l'inconnu, 
    Se serrer les coudes, même si  on tremble, 
    Afin de bien résister face à  l'imprévu! 
Texte et illustrations de Nicole Bouglouan
Revigorés par leur séjour à la  plage, 
    Ernest et Sifflotin avaient  pour ambition 
    De partir là-haut, par-dessus  les nuages. 
    Bref, ils avaient envie de  monter en avion... 
Pas très loin de chez eux, un  aérodrome 
    Proposait des baptêmes de  l'air tous les jours. 
    Ils voyaient, dans le soleil,  briller les chromes 
    Des belles machines parées de  leurs atours: 
Sur le fuselage tout  multicolore, 
    On distinguait très bien les  larges inscriptions 
    Devant attirer ceux qui  avaient  encore, 
    Tout au fond de leur être, une  appréhension. 
Un dimanche matin, voilà nos  compères 
    Allant se présenter au guichet  des départs. 
    Le pauvre Ernest n'était pas  très téméraire; 
    S'il s'écoutait vraiment, il  n'irait nulle part...! 
Mais Sifflotin lui avait dit  tant de choses: 
    Le monde, vu d'en haut, est  souvent bien plus beau! 
    Formes et couleurs, le  spectacle est grandiose! 
    Et puis, il allait rencontrer  tout plein d'oiseaux! 
Billets en poche, ils allèrent  rejoindre 
    A côté d'un avion, un groupe  de clients. 
    Voilà, ce n'était plus le  moment de geindre 
    Car la file avançait. On  n'avait plus le temps! 

Installés face à face dans la  cabine, 
    Les amateurs se virent  harnachés d'un sac, 
    Faisant sans doute partie de  la routine... 
    Ensuite, on les pria de mettre  un casque! 
Cloués aux sièges, enfin ils  décollèrent, 
    Mais Ernest ferma les yeux et  serra les dents. 
    Au bout d'un moment, il  regarda la terre, 
    Et ce panorama le rendit tout  content. 
Comme un échiquier, les champs  et les prairies 
    Quadrillaient le sol de  magnifiques couleurs. 
  Çà et là, étangs et lacs  donnaient envie 
    De se mirer en eux, c'était un vrai bonheur!
Plus loin, une entreprise  d'horticulture, 
    Tel un tapis géant richement  coloré, 
    Pouvait ressembler à une  couverture 
    Etendue au soleil afin de  l'aérer. 
Le clocher du village semblait  plus près d'eux. 
    En cercles réguliers, les  pâtés de maisons 
    S'enroulaient tout autour en  ordre rigoureux. 
    Un peu plus loin, la forêt  barrait l'horizon. 
Puis soudain, l'appareil prit  de l'altitude, 
    Traversant par moments des  nuages épais. 
    Au-dessus, le ciel bleu  n'était que quiétude. 
    Glissant sur du coton, l'avion  progressait. 

Sur le côté, quelqu'un ouvrit  une porte. 
L'air frais s'engouffra,  surprenant les passagers. 
Le moniteur, aussitôt, d'une  voix forte, 
Demanda aux clients de bien se  préparer. 
"Se préparer pour  quoi?" demanda le merle. 
  "Qu'avez-vous  prévu?" renchérit le hérisson. 
    Venus d'un haut-parleur, des  ordres déferlent 
    Sur nos deux compères soudain  pris de frissons! 
"Tous parés à sauter!  Mettez-vous en file!" 
    Hurla au-dessus d'eux une voix  de stentor. 
    Les uns derrière les autres,  bien dociles, 
    Ils sautaient dans le vide en  criant très fort. 
Ernest vérifia les billets en  vitesse, 
    Constatant avec horreur qu'ils  s'étaient trompés! 
    Le saut en parachute, vaine  prouesse, 
    Se trouvait gratuit comme  tous les jours fériés... 
Sifflotin sauta. Pour lui, pas  de problème: 
    Voler dans les airs était une  vocation. 
    Mais pour Ernest, il n'en  allait pas de même; 
    C'est à deux qu'ils durent le  jeter de l'avion! 

Un cri déchirant résonna dans  l'espace. 
    La terre se rapprochait trop  rapidement. 
    Mais un claquement sec le  cloua sur place: 
    La corolle enfin s'ouvrit en  le freinant. 
Ernest vit qu'il volait quand  il ouvrit les yeux! 
    Se calmant un peu, il aperçut  Sifflotin 
    Qui discutait avec les oiseaux  autour d'eux. 
    Pendus à leurs fils, on aurait  dit des pantins! 
Maintenant, ils profitaient du  paysage, 
    En se balançant doucement au  gré du vent. 
    Puis  reprenant en chœur  leurs bavardages, 
    Décidèrent de profiter de ce  présent! 
Après tout, l'idée n'était pas  si mauvaise, 
    Car de leur plein gré ils  n'auraient jamais sauté! 
    S'ils pouvaient atterrir dans  un champ de fraises, 
    De tous leurs malheurs ils se  trouveraient vengés... 
Mais le destin voulut qu'au  bout d'une branche 
    Ernest et Sifflotin restèrent  suspendus! 
    Ils ne sortiraient plus jamais  le dimanche 
    Sans de l'excursion avoir le  compte-rendu... 
