Ernest et Sifflotin veulent avoir la paix!

                   Finissant de jouer les futés détectives,
                   Ernest et Sifflotin goûtaient quelque repos,
                   Evitant sagement toute autre initiative
                   Pouvant les empêcher d’être frais et dispos.

                   Ils avaient plus qu’assez de singer les gendarmes
                   Poursuivant à tout vent n’importe quel voleur.
                   Fermement décidés à déposer les armes,
                   Ils fuiraient désormais des autres les malheurs!

                   Emploi du temps ludique et longues promenades
                   Occupaient à présent l’essentiel de leurs jours.
                   Cessant de s’insurger à la moindre incartade,
                   Ils surprirent beaucoup leurs amis alentour.

                   Mais le destin malin réserve des surprises
                   Survenant bien souvent au moment opportun.
                   C’est ainsi qu’un matin balayé par la brise,
                   Arriva Joséphine, et son sac peu commun...

                   Ecarquillant les yeux, Ernest devant sa porte
                   Aperçut le premier l’étrange et bel oiseau.
                   Appelant Sifflotin d’une voix un peu forte,
                   Celui-ci ébahi, resta figé là-haut!

                   Peu à peu les voisins s’approchant davantage
                  Se mirent à flairer le somptueux manteau
                   Porté par l’animal à l’élégant plumage,
                   Tenant dans son long bec un si curieux fardeau.

                   C’était une cigogne épuisée et perdue.
                   Elle devait livrer dans les jours à venir
                   Ce colis très urgent. Elle était attendue,
                   Mais doutait maintenant de bien y parvenir!

                   Un grand vent dans la nuit avait volé la carte
                   Où était clairement indiqué son chemin.
                   Il fallait à tout prix pourtant qu’elle reparte,
                   Les œufs qu’elle gardait n’attendraient pas demain!

                   Tentant de la calmer, Ernest toujours lucide,
                   Proposa tout d’abord de poser en lieu sûr
                   Ces deux trésors si fins, d’un doux vert translucide,
                   Afin de préserver leur fragile futur.

                   Les mettant sur son lit, il ramena la couette
                   Qui ainsi maintiendrait une douce tiédeur.
                   Et conviant Joséphine à leur simple dînette,
                   Ils apprirent alors quel était son labeur.

                   Elle portait des œufs aux oiseaux en détresse,
                   Lorsqu’ils ne pouvaient point avoir au fond du nid,
                   Ces si jolis galets tout emplis de promesses
                   Et qui donnaient naissance à tant de beaux petits!

                   Elle avait pour mission durant cette semaine
                   De fournir du bonheur dans un petit bosquet.
                   Une jeune merlette espérait incertaine,
                   L’arrivée imminente du précieux paquet.

                   Son compagnon hélas n’étant plus de ce monde,
                   Elle avait fait appel, en un dernier recours,
                   A la jeune cigogne, et comptait les secondes
                   La séparant encore de ses deux amours.

                   A cause de ce vent, la pauvre Joséphine
                   Ne savait où partir, et sur un ton anxieux,
                   Questionna Sifflotin en phrases sibyllines.
                   Peut-être pourrait-il la renseigner un peu?

                   Mais nos deux compères la voyant si fragile,
                   Lui conseillant d’abord d’aller se reposer,
                   Promirent de chercher. Ce ne fut point facile,
                   Mais dans l’après-midi, ils furent informés.

                   Il lui restait encore des heures de route.
                   L’idéal serait de démarrer le matin.
                   Après un bon sommeil la cigogne sans doute,
                   Saurait contribuer à deux nouveaux destins!

                   En attendant la nuit, un bon itinéraire
                   Fut tracé au crayon sur un petit papier.
                   Le trajet était simple, avec quelques repaires
                   Pour atteindre le but, au bout d’un long sentier.

                   Avec un bon repas finissant la soirée,
                   Chacun s’en fut dormir pour se lever très tôt.
                   Joséphine installée à l’abri de ramées
                   Se posa lentement et sombra aussitôt.

                   Sifflotin regagna sa maison sur la branche,
                   Et Ernest retourna sous son toit accueillant.
                   Récupérant sa couette, il mit dans une manche
                   Les deux œufs si menus, au chaud sur le divan.

                   Au milieu de la nuit, à l’heure où la chouette
                   Hulule dans le soir, écoutant ses échos,
                   On vit poindre soudain deux fines silhouettes
                   Qui ouvrant grand le bec... voulaient des asticots!

                   Ernest ne fit qu’un bond! Ouvrant un œil puis l’autre,
                   Il vit sur les coussins les jeunes merles noirs
                   Criant fort leur famine aux couleurs de l’aurore,
                   Et clamant alentour leur peur et leur espoir.

                   Réveillant son copain ainsi que Joséphine,
                   Il fallut sur-le-champ prendre des décisions.
                   Pour le merle bien sûr, c’était de la routine!
                   Sifflotin fut chargé du plein de provisions!

                   Fouillant dans un recoin, Ernest toujours pratique,
                   Dénicha un panier garni de molleton.
                   Ce nid serait parfait, bien qu’un peu éclectique,
                   Pour Tutti et Frutti, les deux bruns rejetons!

                   Ainsi aménagés en superbe nacelle,
                   Entourés dans un linge avec un nœud au bout,
                   Ces quelques brins d’osier partis à la poubelle
                   Auraient donc un destin convoité par beaucoup!

                   Aux premières lueurs de l’aube violette,
                   Avec de la résine collant sur son bec
                   Le tracé du chemin menant à la merlette,
                   Joséphine fin prête refusait l’échec!

                   Tutti et Frutti arrimés à la cigogne,
                   Gavés pour le voyage et calés tout au fond,
                   Dormaient abandonnés laissant donc la besogne
                   Au grand oiseau puissant au doux regard si bon.