Lorsque les eaux s’animent…
Venant du bout du lac, fleur blanche à la dérive,
De son allure altière il domine les eaux.
Il glisse doucement en longeant les roseaux,
Scrutant de son œil noir le fouillis de la rive.
Même une ballerine, aussi belle soit-elle,
N’égalera jamais pareille majesté,
Lorsqu’en un geste lent comme l’éternité,
Secouant son plumage il arrondit ses ailes.
Alors en un ballet se passant de musique,
Il accélère un peu créant des clapotis,
Et cette mélodie, en un jeu inédit,
Accompagne sa danse étrangement ludique.
Il avance à présent laissant pour toute trace
Deux très légers sillons s’écartelant au loin.
Et dépliant son cou d’un mouvement hautain,
Daigne nous regarder tout en restant de glace.
Mais soudain d’un seul coup s’éloignant de la grève,
Il agite ses ailes en amples battements,
Si fort que son corps lourd se cabre brusquement,
Et courant sur les flots, le grand oiseau s’élève.
Son envol laborieux démontre sa puissance
Quand les plumes neigeuses en un long bruissement,
Luttent contre les airs pour porter librement
Ce royal animal, si noble de naissance.
Il tourne tout là-haut tel un ange en détresse
Cherchant à se poser tout en défiant le vent.
Il descend lentement, les pattes en avant,
Pour toucher l’onde enfin sous nos cris d’allégresse.
Puis il change de cap, revenant vers la berge,
Parfaitement conscient de notre admiration.
Et s’approchant de nous avec ostentation,
Nous livre sa splendeur, et l’émoi nous submerge.
Il ne s’arrête plus, il monte sur le sable,
Ignorant tout à fait notre proximité,
Il marche pesamment sous nos yeux hébétés…
Las ! Qu’est donc devenu cet être incomparable ?
Mais jugeant sûrement son attitude indigne,
En faisant volte-face il repart vers l’étang,
Se propulse aisément dans les vagues d’argent...
Nous retrouvons alors l’élégance du cygne!
Nicole Bouglouan
Le 23 Août 1998
