L’oiseau et son nid, là où tout commence…
Seconde partie: Les Passériformes
Page 6: Cotingidés, Pipridés et Tityridés
Au début de la saison de reproduction et après diverses parades nuptiales, le site du nid est choisi par le couple ou l’un des deux partenaires et le nid est construit à l’intérieur de cette zone. Pour de nombreuses espèces, le nid est le lieu où les oiseaux paradent et s’accouplent. Il joue un très grand rôle pendant la nidification. Il est le berceau des poussins et l’endroit où les adultes les nourrissent avant leur envol vers l’indépendance.
La grande famille des Cotingidés regroupe des passereaux uniquement présents dans le Nouveau Monde depuis le sud du Mexique et dans de nombreuses zones tropicales d'Amérique du Sud jusqu'au nord de l'Argentine. La plupart d’entre eux vivent au niveau de la mer dans les forêts tropicales des basses terres, mais quelques-uns vivent dans les Andes, jusqu’à 4 000 mètres d’altitude au moins, dans les forêts tempérées de haute altitude.
Nous pouvons citer en exemple, le très local Cotinga à joues blanches, une espèce limitée à la forêt de Polylepis située à 4 250 mètres d'altitude dans une petite région du Pérou sur le versant ouest des Andes.
Cotinga à joues blanches
Par ailleurs, les raras fréquentent principalement les garrigues, les bois ouverts et les terres agricoles. Le Cotinga à queue fourchue de l'est du Brésil se trouve généralement à la lisière d'une forêt, dans une zone semi-ouverte et quelquefois dans des jardins.
Cotinga à queue fourchue
Le Rara du Pérou est présent dans les régions côtières du nord-ouest du Pérou où il fréquente les broussailles éparses dans le désert et les dunes côtières stériles où poussent quelques grands buissons, depuis le niveau de la mer jusqu'à 550 mètres d'altitude.
Rara du Pérou
Selon les espèces, les oiseaux fréquentent les zones marécageuses bordant les grandes rivières, mais aussi les forêts vallonnées à la base des Andes, les rives boisées des rivières et des lacs et les forêts marécageuses et inondées de façon saisonnière.
En fait, le choix de l'habitat est probablement étroitement lié à la disponibilité des fruits, à la façon de se nourrir, aux exigences de la nidification et des parades nuptiales.
La plupart d'entre eux se nourrissent principalement de fruits, mais les raras consomment aussi des feuilles et des bourgeons. Les cotingas dispersent largement les graines des grands arbres fruitiers. Les fruits consommés varient en fonction de la taille de l'oiseau.
Les arapongas sont exclusivement frugivores et même leurs poussins sont nourris uniquement de fruits. Certaines espèces de Cotingidés consomment aussi des escargots et des insectes. Ils se nourrissent souvent seuls ou en couples, mais les raras sont souvent en petits groupes et parfois en grandes bandes.
La famille des Cotingidés présente une extrême diversité au niveau de la taille et de la couleur de plumage. Ils ont souvent un bec large à l’extrémité crochue, des pattes robustes et des ailes arrondies. Le dimorphisme sexuel est généralement visible, avec les mâles parés de couleurs vives et les femelles beaucoup plus ternes. Certains mâles ont des caroncules ou des barbillons. C’est le cas chez les coracines, les arapongas et les deux espèces de coq-de-roche. Les mâles aux ornements bien développés ont des parades nuptiales spectaculaires au cours desquelles les mâles dominants défendent les perchoirs où ils paradent et s’accouplent avec les femelles. Ces ornements sont mis en valeur lors des parades.
Les femelles sont plus ternes et généralement plus petites que les mâles, à l'exception de quelques espèces.
Les cris entendus pendant les parades sont très forts. Ils peuvent être décrits comme des sons de cloche chez les arapongas, des notes résonnantes chez les coracines ou un « pi pi y-o » extrêmement puissant et perçant chez le Piauhau hurleur. Cette espèce compense probablement l’absence de plumage coloré par un cri aigu !
Piauhau hurleur
Pendant les parades nuptiales, les mâles tentent d'attirer les femelles. Chez les plus petites espèces, les mâles ont généralement un plumage plus vivement coloré mais sont souvent moins bruyants que les espèces de taille moyenne, moins colorées mais plus loquaces. Les mâles des plus grandes espèces ont des ornements remarquables tels que des barbillons ou des caroncules.
De nombreuses espèces, en particulier les espèces de taille moyenne, ont tendance à former des « leks ou arènes », et le
Coq de roche orange est un bon exemple de ces comportements. Chez cet oiseau, une arène peut rassembler plus de 50 mâles sur le même site chaque année. Chaque mâle parade dans sa propre arène sur le sol de la forêt et juste au-dessus dans les branches basses des arbres. Les perchoirs environnants sont défendus contre les rivaux et certains conflits peuvent survenir, accompagnés de croassements sonores.
Les femelles regardent les mâles en train de parader et lorsque l’une d’entre elles est prête à s'accoupler, elle descend et vient se poser près d'un mâle jusqu'à ce qu'il sautille vers elle et s’accouple.
Les arapongas ont une organisation différente du lek. L’
Araponga barbu ne forme que des groupes de trois ou quatre individus espacés de 100 mètres ou plus. Les cris sonores martelés ou sonnants servent à tenir les rivaux à distance.
La
Coracine chauve parade également dans des arènes dont le site change d'année en année, et le mâle dominant doit établir sa dominance à chaque nouvelle saison. L’arène est principalement composée d’arbres d’environ 25 mètres de haut ou moins, et les mâles paradent généralement dans la canopée supérieure des grands arbres de la forêt tropicale. Chez cette espèce, mâle et femelle ont un plumage similaire.
D'autres cotingas au plumage vivement coloré effectuent des parades aériennes au-dessus des cimes des arbres.
Mais la Coracine noire a une organisation sociale très différente. Cette espèce vit en petits groupes de 3 à 8 individus qui ne s’occupent que d’un seul nid. Ils se nourrissent et dorment ensemble, participent à la défense du nid, en harcelant les intrus et les grands prédateurs.
Coracine noire
Femelle à gauche et mâle à droite
Le
Coq-de-roche Péruvien et le
Coq de roche orange construisent un nid fixé à une paroi rocheuse. Ils vivent à proximité des gorges rocheuses où coulent des rivières et des fleuves, ainsi que dans la forêt, près d'affleurements rocheux et de grottes. Ces nids sont fabriqués avec de la boue et de la végétation, et la salive est probablement utilisée comme ciment.
Mais le plus souvent, les nids de cotingas sont placés dans des arbres isolés, dans des zones plus ou moins dégagées proches d’une forêt. Ce choix sert à réduire le risque de prédation par les mammifères arboricoles. Ils construisent des nids ouverts sur ou entre des branches d'arbres ou d'arbustes.
Les raras qui vivent dans des habitats plus ouverts construisent une structure peu profonde en forme de coupe plutôt lâche avec de minuscules rameaux secs et tapissée de fibres végétales et de matériaux plus doux. Il est situé dans un arbuste épineux, jusqu’à 3 mètres de hauteur, parfois plus haut dans une fourche.
Les cotingidés de taille moyenne, tels que les coracines, les piauhaux et quelques autres espèces, construisent des nids minuscules sur la fourche d'une branche horizontale ou entre les rameaux. Ils sont constitués de plusieurs rameaux entrelacés, de fibres végétales ou de vrilles et forment une coupe minuscule et peu profonde. Lorsque l'oiseau est dans le nid, il semble être simplement posé sur son perchoir car le tout petit nid est presque invisible. C’est le cas, entre autres, du Piauhau olivâtre.
Piauhau olivâtre
La femelle
Araponga barbu construit le nid, une structure lâche, une petite plate-forme faite avec quelques brindilles épaisses qui constituent la base. La coupe intérieure est peu profonde, et faite avec des brindilles plus fines. Ces rameaux sont légèrement incurvés et s'emboîtent très bien. Le nid est situé dans un grand arbre dans la forêt, relativement près de la lisière. Il est construit à environ 2, 5 à 15 mètres du sol.
Le nid du
Cotinga Pompadour est une coupe ouverte profonde constituée de quelques vrilles ligneuses. Elle est bien adaptée au seul œuf pondu par la femelle, tandis que la
Coracine à col nu construit une très petite structure en forme de coupe faite entièrement de lichens et de fines vrilles, placée sur une branche horizontale épaisse. C’est la branche elle-même qui constitue le fond du nid.
Cotinga Pompadour
Ces petits nids sont aussi discrets que possible dans la forêt tropicale où la prédation des nids est très importante. La taille de la couvée est généralement d’un seul œuf, probablement la conséquence de la taille du nid. Les œufs sont généralement de couleur terne, chamois ou olive avec des taches plus foncées autour de l'extrémité la plus large. L'incubation est généralement assurée par la femelle seule et selon l’espèce, les deux parents peuvent élever les poussins, mais la femelle effectue souvent les tâches liées à la nidification. Les jeunes quittent le nid à l'âge d'un mois environ.
Cotinga jucunda
Les Cotingidés sont menacés par la destruction de leur habitat à cause de la fragmentation de la forêt, et cela constitue leur principal problème. La destruction des forêts se poursuit à un rythme de plus en plus alarmant, menaçant l'avenir de ces beaux oiseaux. De nombreuses espèces vivent dans les réserves forestières et autres zones protégées, mais il est nécessaire d’en créer de nouvelles pour assurer la survie des Cotingidés.
La famille des Pipridés comprend plus de 50 espèces portant le nom de manakins. On les trouve depuis le sud du Mexique jusqu’au nord de l'Argentine, au Paraguay et dans le sud du Brésil, ainsi qu'à Trinité-et-Tobago.
Ils vivent presque exclusivement dans les forêts et autres zones boisées. La plupart d'entre eux vivent dans plaines tropicales humides à moins de 1 000 mètres d'altitude, et quelques autres dans les forêts sèches, les forêts fluviales et les Andes subtropicales. De nombreuses espèces vivant à l'intérieur de la forêt se nourrissent régulièrement en lisière où elles peuvent trouver des arbres fruitiers.
Les manakins ont besoin d'un approvisionnement permanent de petits fruits qui constituent leur nourriture principale, mais ils consomment également des insectes et des araignées. Les fruits sont cueillis en un vol rapide depuis un perchoir. L'oiseau atterrit avec le fruit dans le bec et l'avale entier. Ces oiseaux ont une large ouverture de bec qui leur permet d'avaler des fruits assez gros par rapport à leur taille. Ils prennent les fruits de nombreuses espèces de plantes dont ils dispersent largement les graines.
Manakin à queue ronde
Les insectes et les araignées sont pris sur la végétation après un vol court et rapide. Après de fortes pluies, les termites pullulent et les oiseaux les happent depuis leurs perchoirs à la cime des arbres.
Manakin à queue barrée
Femelle
Les manakins sont de très beaux oiseaux. Ils sont petits et pèsent entre 8 et 30 grammes. La plupart des mâles adultes sont globalement noirs, avec des taches de couleurs vives, souvent rouges, orange ou jaunes, mais aussi bleues ou blanches. Ces couleurs se trouvent principalement sur la calotte et les parties supérieures. Ils ont également les plumes des ailes ou de la queue modifiées. Elles jouent un rôle lors des parades nuptiales car elles produisent une sorte de vrombissement au gré des divers mouvements effectués par le mâle.
Les femelles et les jeunes oiseaux sont vert olive ou verts sur les parties supérieures et plus clairs en dessous. Les femelles et les jeunes de plusieurs espèces se ressemblent beaucoup.
Manakin casqué
Ils sont généralement plutôt silencieux sauf au moment des parades nuptiales. Outre les bruits mécaniques produits par les plumes des ailes, les mâles émettent principalement des cris simples, mais étranges et étonnants, monosyllabiques ou parfois plus complexes, généralement une phrase rapide composée de quelques notes ou un trille.
Le Manakin à ailes blanches a les rémiges secondaires modifiées. Elles produisent un son mécanique pendant les parades « tip-beeuwww ». Les ailes sont tombantes au moment de l’émission du « tip », tandis que les ailes sont vibrantes et tenues verticalement au-dessus du dos au moment du « beeuwww ».
Manakin à ailes blanches
Parade
Plusieurs manakins émettent des sons mécaniques lors d’un survol rapide du perchoir utilisé pour parader. Le
Manakin auréole, le
Manakin à queue barrée et le
Manakin filifère produisent un doux « kloop » avec les ailes au moment le plus bas du vol, juste avant d'atterrir sur le perchoir.
D’autre part, plusieurs autres espèces émettent différents sons avec les ailes tandis que les taches vivement colorées sont mises en valeur et bien exposées.
Manakin à queue barrée
Manakin filifère
L'habitat doit offrir des sites de parade où les mâles passent le plus clair de leur temps. Mais ces sites doivent recevoir la lumière du soleil tôt le matin et dans l’après-midi car ce sont les deux moments de la journée où cette activité est à son apogée.
Il n'y a pas de lien du couple chez les manakins. Quand une femelle est prête à s’accoupler, elle choisit un mâle dans une arène ou lek et l’accouplement a lieu après les parades du mâle.
Le Manakin à front blanc parade près du sol dans les zones forestières denses où la lumière est la plus intense. Le mâle utilise deux sites, un le matin et le second l'après-midi, lorsqu'ils sont bien éclairés par le soleil.
Le Manakin à tête d’or parade plus en hauteur que les autres mâles, entre 5 et 15 mètres au-dessus du sol. Il parade sur un perchoir élevé, éclairé par la lumière du soleil passant à travers les brèches de la canopée.
Chez de nombreuses espèces de manakins, les mâles paradent en groupes dans des arènes ou leks situés toujours au même endroit, année après année. Sauf au moment de la mue, le mâle passe presque toute sa vie sur le lek où il peut être présent presque toute la journée, avec de brèves absences pour la recherche de nourriture. Ceci est un comportement typique du Manakin à tête d’or.
Certaines espèces, comme le Manakin fastueux, effectuent des parades complexes à plusieurs mâles. Le mâle alpha partage un perchoir horizontal avec un ou plusieurs mâles bêta. Il crie près du perchoir jusqu'à ce qu'un second mâle vienne se poser à côté de lui, et tous deux exécutent un duo. Ensuite, ils volent jusqu’au perchoir pour effectuer une parade composée de sauts. Le mâle alpha voltige dans les airs, comme s’il était suspendu, tout en criant avant de retomber sur le perchoir. Le mâle bêta effectue la même parade et la séquence est répétée plusieurs fois tout en accélérant, jusqu'à ce que le mâle alpha émette un cri fort. Ensuite, un seul, ou les deux oiseaux s’envolent dans le sous-bois.
Quand une femelle atterrit sur le perchoir, les mâles lui font face et sautent en l’air les uns après les autres tout en avançant. Si la femelle reste sur le perchoir après cette parade, le mâle alpha voltige autour d'elle tout en exposant les taches bleues et rouges de son plumage et l’accouplement a lieu, généralement sur le même perchoir.
Manakin fastueux
Les manakins nidifient en solitaire et la femelle aux couleurs cryptiques est la seule à s'occuper du nid. Chez de nombreuses espèces, le nid est minuscule, fragile et très petit, un peu comme les nids des
Trochilidés. Certains nids sont tissés de façon tellement lâche que le contenu est visible à travers le fond. Les nids sont généralement construits près du sol, parfois très bas, et certains sont camouflés. La saison de reproduction s'étend sur plusieurs mois.
Le nid est une petite coupe faite avec des fibres végétales, des nervures centrales des feuilles et autres matériaux fins. Il est suspendu dans une fourche entre deux rameaux auxquels il est attaché par des toiles d'araignées ou des rhizomorphes, ou les deux. L’extérieur de certains nids est recouvert de morceaux de feuilles mortes ou de mousse. On peut parfois voir une sorte de queue faite de matières végétales, suspendue en-dessous. Ces nids sont presque invisibles dans la végétation.
Le nid du
Manakin à bandeau orange est fait de fibres végétales, mais le tissage est si lâche qu'il est facile d'en voir le contenu par-dessous. Mais la femelle qui incube adopte généralement une posture très droite, avec la poitrine bien au-dessus du bord, tandis que la queue et les couvertures sous-caudales sont visibles et inclinées vers le bas. L'impression visuelle est celle d'un oiseau simplement posé et le nid est pratiquement invisible.
Manakin à bandeau orange
Femelle
Les œufs sont très clairs avec des marques sombres. Pour toutes les espèces, la couvée comprend presque toujours deux œufs. L'incubation dure entre 16 et 19 jours et est effectuée par la femelle seule. Les poussins sont nourris avec un mélange d'insectes et de petits fruits que la femelle porte dans sa gorge ou parfois dans le bec. Les jeunes quittent le nid 13 à 15 jours après l'éclosion, mais la prédation des nids est très importante. Cette période est moins bien documentée.
Le succès de nidification des Pipridés est très faible en raison de la prédation, mais les manakins comptent parmi les oiseaux les plus abondants dans de nombreuses zones forestières néotropicales. Cependant, plusieurs espèces sont plus ou moins menacées par la perte de l’habitat à cause de la déforestation, de l’éclaircissage des forêts au profit des développements humains, la construction de routes et les activités de loisirs.
La conservation future des espèces de Pipridés dépend principalement de la protection de zones forestières adaptées.