ERNEST ET SIFFLOTIN MENENT L’ENQUETE
Ernest et Sifflotin coulaient des jours heureux
Sous le soleil d’hiver dans leur coin de campagne.
Le moral au beau fixe, ils étaient radieux,
Et se sentaient fin prêts à battre des montagnes!
C’était compter sans les caprices du destin...
Un beau matin, encore endormis sous leurs couettes,
Un fait bien imprévu dérangea les voisins,
Réveillant en sursaut toutes les pipelettes.
Ernest sortit d’un coup, hirsute et hébété,
Et ne comprenant rien à toute cette histoire.
Sifflotin à son tour, les yeux exorbités,
Regardait vers le bas, penchant sa tête noire.
Formant un petit cercle, les amis curieux
Contemplaient étonnés quelque chose par terre.
Ce n’était rien de moins qu’un bracelet précieux,
Posé là par un hasard extraordinaire!
Mais d’où venait-il donc ce bijou si brillant,
Peut-être appartenait-il à une fillette
Qui passant en ces lieux tout en se promenant,
L’avait perdu en enjambant la maisonnette?
Ernest fut chargé de trouver un endroit sûr,
Bien le cacher pour éviter les convoitises.
En un petit panier dans un recoin obscur
Il le laissa tomber, et ferma la remise.
Tout rentra dans l’ordre dans le joli jardin.
Les jours passant, chacun reprit ses habitudes.
Ernest et Sifflotin, joyeux et pleins d’entrain,
Profitaient de la vie en parfaite quiétude.
Ils folâtraient souvent dans la proche forêt,
Toujours à la recherche de quelque bêtise!
Le hérisson courait dans les sous-bois dorés
Et s’arrêta soudain, figé par la surprise!
Se trouvant nez à nez avec un beau diamant,
Il appela vite le merle à la rescousse.
Sifflotin, subjugué, réfléchit un moment,
Face à un tel trésor sur son tapis de mousse.
L’affaire se corsait, il fallait ramener
Ce bijou encombrant à la maison très vite.
En pensant à l’enquête qu’ils allaient mener,
Ernest et Sifflotin observèrent le site.
Nulle trace de pas, de rameaux écartés,
Et pas le moindre indice à des lieues à la ronde!
Mais au pied d’un grand arbre, alors qu’ils repartaient,
Un éclat lumineux supprima leur faconde...
Une boucle d’oreille au milieu d’un buisson
Brillait de mille feux sous leurs yeux incrédules.
Soudain excités, le merle et le hérisson
Regardèrent en l’air dans le froid crépuscule.
Ils ne virent pas bien dans la lueur du soir,
Mais juste au-dessus d’eux une masse importante
Capta leur attention. Ils crurent alors voir
Un oiseau presque noir, à l’allure inquiétante.
Ils trouvèrent plus sage d’attendre le jour
Et de revenir dès demain en plus grand nombre.
Emportant les bijoux, ils firent demi-tour
En se hâtant, inquiets, dans l’épaisse pénombre.
Aussitôt arrivés, ils tinrent un conseil.
Les joyaux découverts cachés avec les autres
Mettaient dans la remise un rayon de soleil.
Mais hélas dans les cœurs, il en était tout autre!
Il fut donc décidé que chacun à leur tour,
Durant toute la nuit, ils monteraient la garde.
Tirant la courte paille en cette fin de jour,
Le premier s’installa sous la lune blafarde.
Les trois premières heures, rien ne se passa.
Sifflotin veillait, adossé à une pierre,
Quand soudain dans la nuit un petit choc vibra.
Aussitôt sur ses pattes, il scruta la clairière.
Un bruissement léger lui fit lever les yeux.
Il vit alors surgir dans un rayon de lune
En un vol nonchalant, l’oiseau majestueux.
Il dut vite concevoir un plan de fortune!
Alertant ses amis, il s’envola au loin
Poursuivant l’ennemi sous la voûte étoilée.
Volant à tire-d’aile, il se posa enfin
Tout près de cet intrus, sur un tas de ramées.
Et ce qu’il vit alors le cloua de stupeur.
A l’intérieur d’un nid fait de morceaux de branches,
Un amas de joyaux aux multiples couleurs
Servait de fondations en un sous-sol étanche!
Des oiseaux très bavards aux reflets chatoyants
S’en allaient et venaient au bord de l’ouverture.
Ces pilleurs de bijoux, par leurs vols incessants,
Souillaient tout simplement l’honneur de la nature!
Sifflotin intervint, le plumage gonflé,
Suivi d’un écureuil venu prêter main forte.
Lambeaux de peau arrachés et un œil enflé,
Le merle renonça juste devant la porte.
L’écureuil s’avança, toutes griffes dehors
Et parvint à saisir l’un de leurs adversaires.
Il reconnut Chipie, et bloquant son effort,
S’arrêta aussitôt pour faire marche arrière.
Il ne pouvait blesser Chipie et ses amis.
Ils se connaissaient tous vraiment de longue date!
Mais pris en flagrant délit, les larcins commis
Devraient être jugés une prochaine date.
Décidément, la pie et tous ses compagnons
Méritaient bien leur surnom de «pies voleuses»!
Attirés par tout ce qui brille à l’horizon,
Ils avaient trouvé là une mine fabuleuse.
Une tuile cassée au-dessus du grenier
Avait attisé leur curiosité malsaine.
Un coffret à bijoux tombé près d’un pilier
Leur était apparu comme une belle aubaine!
Les cailloux scintillants étalés sur le sol
Etaient aussitôt emportés dans leur repaire.
Mais le bec trop chargé lâchait pendant le vol
Des morceaux de colliers qui tombaient jusqu’à terre.
Il fallait un exemple, et tous étaient d’accord:
Après le jugement, ruminant la sentence,
Les pies allèrent rendre les pierres et l’or.
Le butin était faux, mais c’est sans importance!
Voilà donc d’où venait ce bien curieux trésor,
Mais ne lui connaissant aucun propriétaire,
La décision fut prise en un ultime effort
De créer un musée où tous pourraient se plaire!
Ernest fut donc choisi à l’unanimité
Pour garder à l’abri toutes ces pierreries.
Sifflotin, promu chef de la sécurité,
Surveillait de très près la charmeuse Chipie!
Elle venait souvent regarder les brillants
Qui étincelaient sous leur protection de verre.
Elle semblait bien assagie heureusement,
Et se contentait d’admirer toutes ces pierres.
Elle avait donc su mettre à profit la leçon.
Dérober à quelqu’un n’importe quelle chose,
Ne peut se pardonner en aucune façon,
Sauf si ce geste aide une bonne cause.