ERNEST ET SIFFLOTIN JOUENT LES SPELEOLOGUES !
La belle matinée annonçant le soleil
Incitait nos amis à partir en balade.
Pas le moindre nuage obscurcissant le ciel.
C’était le temps rêvé pour une promenade!
Après avoir fermé leur porte à double tour,
Ernest et Sifflotin, traversant la prairie,
Partirent vers le lac en faisant un détour
Pour profiter au mieux, au gré de leurs envies.
Partout les fleurs des champs, comme un tapis moelleux,
Invitaient au sommeil, ou bien à la paresse.
Notre Ernest furetait, il se sentait heureux
Respirant leur parfum avec délicatesse.
Sifflotin voletait juste au-dessus de lui,
S’amusant à poursuivre un papillon splendide.
Celui-ci se posa sur un rameau de buis,
Implorant sa pitié, pas un destin stupide!
Mais le merle déjà partait à l’opposé,
Enivré de senteurs, d’air pur et d’allégresse.
En bas roulé en boule, Ernest se reposait
En goûtant des rayons la si douce caresse.
Puis les heures passaient, pâlissant les couleurs.
S’arrachant à regret à la belle nature,
Ernest et Sifflotin rayonnants de bonheur,
Arrivèrent enfin auprès de leur clôture.
Ce qu’ils virent alors les cloua de stupeur...
La cabane d’Ernest s’enfonçait dans la terre,
Et les murs de guingois penchaient à faire peur!
Que s’était-il passé dans la calme clairière?
Les voisins alentour parlaient tous à la fois,
En donnant leur avis à qui voulait l’entendre.
Ernest déconcerté, cachant mal son effroi,
S’approcha doucement en foulant l’herbe tendre.
Juste sous le plancher s’ouvrait un trou béant,
Mais en regardant mieux, il vit une caverne
Qui fuyait sous le sol comme un serpent géant!
Il fallait maintenant trouver une lanterne...
Mais avant toute chose, unissant leurs efforts,
Ils poussèrent plus loin la pauvre maisonnette.
Etant assez solide, ils se mirent d’accord
Pour bien la réparer, ayant fait place nette!
Formant un petit groupe harnaché jusqu’aux dents
Parti pour explorer un gouffre maléfique,
Par deux ils descendirent en restant prudents,
Par un câble attaché de façon très rustique!
Ils progressaient au pas, tous leurs sens en éveil,
A l’écoute des bruits, des craquements nocturnes,
Qui en bas résonnaient d’un écho sans pareil,
Se prolongeant sans fin en rebonds taciturnes.
La lueur des torches projetait sur les murs
Plusieurs ombres mouvantes et fantomatiques.
Sur le sol inégal des cailloux un peu durs
Les faisaient trébucher… Quelle aventure épique !
Au bout d’un long couloir, voyant un carrefour,
Ils durent ralentir, mais quel choix difficile
Que de savoir vers où se diriger, toujours,
Afin de revenir sans risques inutiles!
Mais soudain sur leur droite un petit frottement
Les fit tous sursauter, et attendant la suite,
S’arrêtèrent en chœur, lorsqu’un gémissement
Courut sur les parois et provoqua leur fuite...
Partant à reculons et sans faire de bruit,
Par hasard ils heurtèrent une masse chaude.
Sifflotin se figea, et gardant ses esprits,
Se tourna doucement pour éviter l’exode!
Cherchant à aveugler l’habitant de ces lieux,
Il braqua sa lanterne sur la créature
Qui de ses pattes sombres protégeait ses yeux,
Mais le merle eût le temps de voir quelques rayures!
Négatif, positif, contrastes de couleurs,
Sur le front allongé, une bande bien noire
En côtoyait d’autres, d’un blanc révélateur.
Les reflets du pelage rappelaient la moire.
Nos amis se trouvaient face à un ennemi,
Un blaireau vivait là, juste sous la clairière!
Ils s’étaient sans nul doute attirés des ennuis
En violant son terrier avec de la lumière.
L’animal immobile fixait les curieux.
Etouffant une plainte, il s’écroula sans vie.
Ernest s’en approcha, l’éclairant de son mieux:
Du sang souillait ses poils, sa tête était meurtrie...
Rassemblant leur courage, ils se mirent autour
Afin de déplacer le corps sans connaissance.
Un recoin un peu large entre deux carrefours
Permit de l’installer avec bien plus d’aisance.
A l’aide d’un peu d’eau, Ernest le ranima,
Et nettoya aussi la profonde blessure.
L’espace d’un éclair, le regard s’anima,
Habité par l’angoisse des heures futures.
Ernest et Sifflotin restèrent près de lui,
Tandis que leurs amis montaient à la surface
Chercher quelques secours au milieu de la nuit,
Pour tenter de sauver cette élégante race.
Au bout d’un long moment, il put se relever,
Et s’appuyant au mur, raconta son histoire.
Etant vieux et tout seul, lorsqu’il avait trouvé
Ce terrier déserté, il n’osait plus y croire!
Depuis il vivait là, voulant finir ses jours
Sans ennuyer personne, en cet endroit tranquille.
A cause de la pluie, le sol des alentours
S’était trop ramolli, devenant plus fragile.
A un instant donné, se cognant au plafond,
Tout s’était écroulé sur sa tête si fine.
Et le plancher d’Ernest en entaillant son front,
L’avait tout engourdi, assombrissant sa mine...
Réalisant soudain que là, à ses côtés,
Ernest et Sifflotin, en proies appétissantes,
Représentaient pour lui un festin de gourmet,
Il sentit dans son corps une faim dévorante!
Retroussant les babines, il montra les dents.
Nos amis sidérés reculèrent bien vite,
Surprenant le blaireau calculant son élan,
S’écartant d’un seul coup, afin qu’il les évite!
Il s’en alla heurter le mur à l’opposé!
Le choc eût pour effet de le rendre lucide.
L’on ne peut dévorer ceux qui vous ont sauvé!
Et depuis ce jour-là, c’est un hôte placide.
La maison réparée, Ernest et Sifflotin
Reprirent peu à peu leurs belles promenades.
En faisant un détour, bien souvent le matin,
Ils vont dire bonjour à un blaireau malade.
Apportant leur gaieté à ce vieil animal,
Ils animent ainsi sa carcasse amoindrie.
Surveillant sa santé, remontant son moral,
Sont les anges gardiens du reste de sa vie.