ERNEST ET SIFFLOTIN ONT DU VAGUE A L’AME
Il nous arrive d’être triste par moments,
Mais afin de pouvoir surmonter cette épreuve,
Tentons de découvrir une belle idée neuve
Qui nous emmènera toujours plus en avant!
Et voilà donc pourquoi Ernest et Sifflotin
Repartiront demain vers d’autres aventures,
Spontanés et farceurs, comme veut leur nature,
Et en bons spectateurs, nous suivrons leur destin.
Au matin d’une belle journée de printemps
Fut célébrée l’union de Princesse et d’Altesse.
Très émue l’assistance vibra d’allégresse
Lorsque sous le ciel bleu sortirent les deux paons.
Princesse, heureuse, du soleil plein les yeux,
Souriait alentour, remerciant tout le monde.
Altesse, quant à lui, plein d’humeur vagabonde,
Pensait à leur départ, le regard vers les cieux.
Ernest et Sifflotin, fiers d’être les témoins,
Enchantés d’avoir provoqué cette rencontre,
Surveillaient les heures qui passaient à la montre,
Et qui emporteraient leurs chers amis au loin.
Car Princesse et Altesse partaient dès le soir
Vers des contrées lointaines où la vie est douce.
Peut-être, dans quelques mois, de belles frimousses
De jeunes paonneaux, orneraient un faire-part...?
Ernest, très agité, redoutait ce moment.
S’agitant en tous sens, décrochant la voilette
Joliment retenue avec des pâquerettes,
S’empêtra dans le tulle... et tomba du banc!
Princesse partit en arrière d’un seul coup,
Entraînant avec elle la si jolie table
Où était installé un buffet mémorable.
Bientôt, les mets recherchés volèrent partout!
Ernest, en boule, dans le voile emprisonné,
Se trouvait hélas, en fort mauvaise posture:
Sur lui, lentement, la confiture de mûres,
Goutte à goutte sur ses piquants, dégoulinait...
Sifflotin, occupé plus loin par l’incident,
Ne vit pas Ernest, coincé sous la longue nappe,
Et méthodiquement, sans brûler les étapes,
Essaya se traiter les problèmes urgents!
Les bougies allumées menaçaient de gagner
Les serviettes en papier emportées par la brise.
A l’aide du bec, impressionnant de maîtrise,
Sifflotin, l’une après l’autre, les éteignait.
Altesse, vainement, tentait de libérer
La tête de Princesse tenue par le voile.
En tirant, il aperçut sous la blanche toile
Une masse collante...mais qui respirait!
Il prit donc des ciseaux, n’ayant point d’autre choix,
Afin tout d’abord de libérer sa Princesse.
La «chose» roula entre les pattes d’Altesse
Comme un pauvre chiffon tout imprégné de poix!
A cet instant, il reconnut le hérisson.
Sous la confiture durcie, trop immobile,
Il s’ankylosait et devenait irascible.
On ne voyait de lui que ses yeux furibonds!
Et prenant notre Ernest comme un simple paquet,
Princesse le déposa dans un bac d’eau chaude
Afin que sa «coiffure» à la dernière mode
Enfin se dissolve, et qu’il soit bien propret.
L’ordre fut rétabli au bout d’un long moment.
Ernest, un peu calmé, se tenait bien tranquille,
Auprès de Sifflotin un peu trop volubile,
Qui craignait, lui aussi, des adieux déchirants...
Et puis, sans crier gare, ce fut le départ.
Pas question de laisser s’installer la tristesse!
Il ne fallait penser qu’à Princesse et Altesse
Qui, vers un grand bonheur, s’en allaient dès ce soir.
Pleins de gratitude, ils dirent au revoir
A leurs très chers amis, promettant des nouvelles.
Ensemble ils s’envolèrent d’un large coup d’aile,
Mettant le cap au Sud, vers la paix et l’espoir!
La petite assemblée attendit jusqu’au bout
Qu’au lointain disparaissent leurs deux silhouettes,
Et l’émotion passée, reprenant la dînette,
Jusqu’au petit matin, rirent comme des fous!
Le lendemain, dès l’aube, instant du réveil,
Chacun pensa très fort à notre si beau couple
Qui, traversant l’Espagne de son long vol souple,
Approchait du but et de sa place au soleil.
Les Iles Canaries étaient leur objectif.
Tempérées par un climat toujours agréable,
Ces terres volcaniques aux couleurs instables,
Faisaient naître des fleurs jusque sur les récifs!
C’était donc là que leurs petits verraient le jour,
Lorsque les alizés berçant les grandes palmes
Pousseraient les embruns sur les falaises calmes,
Juste à l’heure où la nuit cède la place au jour...
Mais dans leur campagne, Ernest et Sifflotin,
Petit à petit, reprenaient leurs habitudes.
Et tous les deux ayant retrouvé leur quiétude,
Décidèrent de redécorer leur jardin!
L’arbre de Sifflotin se trouva donc orné
D’une plante grimpante un peu envahissante.
Entrant dans son abri de manière insistante,
Elle chassa le merle qui fut consterné!
De la même façon, Ernest fut bien surpris
Lorsque, désirant pénétrer dans sa cabane,
Des tentacules verts enserrèrent son crâne...
Lui faisant d’un seul coup reprendre ses esprits!
Ernest et Sifflotin eurent un bref sursaut
En se retrouvant adossés contre leur arbre.
Auraient-ils donc rêvé, sous la lune de marbre?
Aucune trace de cet encombrant assaut!...
Ils comprirent soudain que leur «envahisseur»
Aidé par leur sommeil avait saisi sa chance
Et bien tiré parti de leur tristesse immense,
Transformant leur mélancolie en destructeur.
Ce sentiment avait bel et bien occupé
Leurs esprits fatigués par la journée de fête.
Un certain vague à l’âme avait gagné leurs têtes,
Les rendant vulnérables, prêts à déraper.