ERNEST ET SIFFLOTIN ONT DE LA VISITE
Le tonnerre grondait et le ciel en colère
Lançait de longs éclairs par-dessus la clairière.
Lorsque l’orage au loin éclata brusquement,
Ernest et Sifflotin dormaient paisiblement.
Pour couronner le tout, une averse fit rage,
Transformant le décor en vaste marécage.
Un vent fort se leva, hurlant dans la forêt,
Terrifiant au passage écureuils et furets.
Ernest voulut sortir mais dut mettre ses bottes
Pour avancer plus vite, sautant de motte en motte.
De lourds nuages noirs filaient à l’horizon,
Rendant la nuit plus sombre autour de la maison.
De fort mauvaise humeur, ceux qui vivaient à terre
Regardaient monter l’eau sans pouvoir rien y faire.
Il fallait colmater les portes à tout prix
Avant d’être inondés et que tout soit détruit!
Chacun se mit à l’œuvre devant son entrée,
Et en un rien de temps, l’onde fut refoulée.
Sifflotin se montra, encore ensommeillé,
Les yeux à peine ouverts, serrant son oreiller.
La pluie eût pour effet la prise de conscience,
Et le bec tout mouillé, agit en conséquence.
Enfilant un ciré, il rejoignit enfin
Ernest qui discutait avec tous leurs voisins.
C’est alors que soudain, porté par les rafales
Passant dans les bosquets comme dans un dédale,
Arriva du lointain un bruit bien singulier,
Qui allait et venait en assauts réguliers.
C’était une clameur faite de cris étranges
Qui dans l’obscurité semblait venir des anges.
Ernest et Sifflotin arrêtant leurs efforts
S’inquiétèrent un peu quand il devint plus fort.
Ils levèrent les yeux en bravant la tempête.
Une masse passait au-dessus de leurs têtes.
La chose s’abattit au sol avec fracas!
Il fallut bien aller constater les dégâts...
Avançant prudemment et restant sur leurs gardes,
Ils virent devant eux une étonnante harde.
Piaillant et caquetant au milieu des éclairs,
Un vol de grands oiseaux revenait de l’enfer!
Ernest et Sifflotin, leurs corps rivés sur place
Se demandaient comment ils allaient faire face.
En s’armant de courage ils firent quelques pas
Espérant de tout cœur éviter un combat.
Se détachant du lot d’une démarche lourde,
Un gros individu parla d’une voix sourde:
«Nous sommes des bernaches remontant vers le Nord!
Cette fois l’ouragan bat vraiment des records!»
Il raconta ainsi que durant leur périple,
Ils avaient dû subir des problèmes multiples.
Gloria une jeune oie, avait brûlé ses yeux
En fixant le soleil pour bronzer de son mieux!
Elle aurait bien besoin de soins de toute urgence
Car sa vue était faible, elle perdait ses chances.
Quant au beau Gédéon, toujours leste et fougueux,
Blessé au bout d’une aile, il n’était pas fameux!
En faisant le malin pour épater sa belle,
Il s’était accroché à une citadelle.
Quelques plumes manquant à ce mauvais endroit
Lui donnaient fort à faire afin de voler droit!
Et la pauvre Aglaé qui se faisait bien vieille
Ne pourrait bientôt plus accomplir de merveilles.
Avec son rhumatisme, elle avait bien du mal
A suivre ses amis sur un trajet normal.
Ernest et Sifflotin ne savaient plus que faire.
L’histoire se corsait, compliquant cette affaire,
Car suivait l’énoncé d’autres maux variés
Qui nécessiteraient des soins appropriés.
Pendant la discussion, au fur et à mesure,
Le temps s’était calmé, rendant la nuit plus sûre.
Ernest réfléchissait, il fallait mettre au point
Un plan à toute épreuve, adapté aux besoins...
Tout au fond du jardin se trouvait un garage
Parfait pour les blessés, ces beaux oiseaux sauvages.
Installés à l’abri durant ces quelques jours,
Ils seraient bien soignés au long de leur séjour.
Sitôt dit, sitôt fait! Sur des lits de fortune,
Les oies épuisées tombèrent une à une.
Ernest distribuait leurs fonctions à chacun,
Organisant au mieux les secours opportuns.
L’ami Sifflotin eût l’idée lumineuse
Qui réglerait aussi la question épineuse
Concernant pour l’instant le reste du troupeau
Qu’il fallait bien laisser quelques temps au repos.
Il allait les mener, lorsque viendrait l’aurore,
Au lac où l’an passé, il s’en souvient encore,
Un gentil cygne blanc leur évita la mort
Alors qu’ils se noyaient dans un courant trop fort.
Ils trouveraient là-bas à manger et à boire,
Et se consoleraient de leurs fâcheux déboires.
Sifflotin satisfait alla se préparer
Et passa voir Ernest qui jouait l’infirmier.
Sur les yeux de Gloria, il faisait des compresses
Et tentait de calmer son esprit en détresse.
Le pauvre Gédéon portait un pansement
Qui maintenait des plumes de remplacement.
Si la greffe prenait, il sauverait son aile
Et pourrait à nouveau impressionner sa belle.
Notre bonne Aglaé reposait sur du foin
Afin de repartir bientôt vers son destin.
Ernest se démenait, traitant de main de maître
L’hôpital de campagne qui venait de naître.
L’air sentait fort le camphre et le désinfectant,
Et le moral des troupes semblait bien portant.
Quand au petit matin, Sifflotin prit la tête
De ce vol amoindri par la grosse tempête,
Il était tout content d’avoir pu à nouveau
Avec son compagnon, sauver tous ces oiseaux...
Et quelques jours plus tard, enfin tirés d’affaire,
Ils étaient au complet, pas un retardataire!
Ils allaient repartir, s’envoler vers le Nord,
Afin de nidifier, car tel était leur sort.
Quand le vol ne fut plus qu’un V dans les nuages,
Ernest et Sifflotin durent tourner la page.
Mais ils savaient qu’au fond ils avaient récolté
Des dizaines d’amis sur qui pouvoir compter.
Il arrive souvent qu’un obstacle se place
En travers du chemin dont nous suivons la trace.
Il faut savoir alors demander du secours
Pour retrouver sa voie en faisant un détour!
