La mort du Fou
Tu ne demandais rien, juste le droit de vivre,
Gaiement batifoler dans les embruns marins,
Et te laisser tomber tel un grand oiseau ivre,
Sur un banc de poissons pour assouvir ta faim.
Mais ce dernier plongeon, gravé dans ta mémoire,
Fit remonter ton corps dans un magma gluant.
Ton plumage si blanc prit une couleur noire,
Le moindre mouvement devint trop épuisant.
Et tu ne vis plus rien. Tu sentis tes paupières
Lutter pour s’entrouvrir, recherchant le soleil.
Ballotté par les flots, les ailes prisonnières,
Tu sombras doucement dans un demi-sommeil…
Plusieurs heures plus tard, échoué sur la grève,
Tu respirais à peine en écoutant la mer.
Tu ne comprenais pas, sans doute un mauvais rêve
Exhalant alentour comme un parfum amer.
Tu te voyais faiblir, enveloppé de brume.
L’océan ton ami ne voulait plus de toi.
Si tu pouvais toucher la douceur de l’écume,
Repartir tout là-haut, ne subir que ta loi !
Les entrailles en feu, tu n’es plus que souffrance.
Tu appelles la mort qui saura l’apaiser.
L’ultime souffle enfin, encore quelques transes,
Et en guise d'adieu, de la vague un baiser...
L’humanité s’acharne à tuer la nature,
Soi-disant pour mieux faire avancer le progrès.
Mais ce Fou de Bassan, empreint de beauté pure,
N’en profitera plus ! Qu’adviendra-t-il après ?
Texte et illustrations de Nicole Bouglouan
Le 7 Février 2000