Le busard Saint Martin
(Circus cyaneus cyaneus)
Ordre des Accipitriformes – Famille des Accipitridés
Rapace élancé aux couleurs douces et nuancées, le busard Saint Martin, mâle ou femelle, impressionne par sa beauté, son élégance, sa fierté et sa vaillance. Ses comportements m’ont émerveillée, et je n’ai qu’une envie, le revoir encore afin de l’observer attentivement, je ne m’en lasse pas !
Il semblerait que son nom soit en rapport avec l’arrivée des migrateurs en novembre, faisant référence à Saint Martin, fêté au cours de ce mois…
Je le vois arriver toujours à la même heure, et pratiquement au même endroit. Sa livrée si claire, gris bleu très pâle sur la partie supérieure, sa tête grise, plus foncée, les pattes jaunes contrastant sur le plumage clair, et surtout, ces ailes magnifiques, déployant leur éventail de plumes blanches bordées d’une lisière sombre, avec tout au bout, une zone noire, bien nette, qui rythme ses battements sur fond de ciel bleu ou de forêt de pins.
Il est encore haut, et juste avant d’atteindre les premiers pins, il tourne, aplatit ses ailes, les rémiges noires bien ouvertes, et plane un instant, faisant apparaître la tache blanche du croupion. C’est un busard Saint Martin mâle, venant explorer la lisière de la forêt en quête de nourriture. Ce qu’il cherche ? Des petits mammifères essentiellement. Mais aussi les œufs, les petits oiseaux, les reptiles et les grillons qui font aussi son affaire !
Il descend doucement jusqu’au coin du bosquet, et là, très près du sol, il furète partout, rasant les broussailles, plongeant dans un fourré, ressortant pour explorer un buisson arrondi dont il épouse la forme en volant au ras des branches. Le spectacle est fascinant ! Pas un taillis n’échappe à ses recherches.
Il suit tranquillement la lisière de la forêt, se pose parfois, les serres en avant. Et je devine à ce mouvement qu’il a trouvé une proie. Il repart très vite et continue son manège jusqu’à l’autre coin du bosquet. Là, il s’élève doucement vers la cime des arbres, l’effleure, et disparaît aussi brusquement qu’il m’est apparu. Je ne le reverrai pas aujourd’hui.
Je reviens bien sûr le lendemain, et je l’attends dans le même secteur. Pas de surprise, mais une grande joie ! A l’heure habituelle, un rapace arrive, plus bas, presque plus lourd on dirait, mais avec un comportement identique à celui d’hier. C’est la femelle ! Son plumage varié se fond dans les broussailles sèches. C’est encore l’hiver.
Comme le mâle, elle suit la lisière des pins, survole chaque buisson, la tête constamment tournée vers le bas pour chercher ses proies. Son corps montrant le dos et le dessus des ailes d’un beau brun nuancé de doré, ondule lentement au ras de la végétation. Par moments, la queue déployée en éventail révèle les rectrices claires plusieurs fois barrées de noir, et finissant par une fine et élégante ligne pâle. La tache blanche du croupion est pratiquement la seule similitude entre les deux partenaires.
Puis, elle relève les ailes en V, les pattes pendantes. Le dessous de son corps vaut bien le dessus. Des rayures brunes balaient sa poitrine large et très claire. Le dessous des ailes dévoile des lignes foncées régulières, barrant les plumes pâles. La main grande ouverte étale ses longues rémiges aux extrémités sombres.
L’harmonie est parfaite.
Mais le plus surprenant, c’est sa tête. En la voyant, j’ai immédiatement pensé au profil d’un félin ! Le fond brun foncé de la calotte et de la nuque est orné d’un disque facial descendant jusqu’à la gorge. Ce sont les extrémités des plumes, très claires, qui donnent cette impression de rayures, dessinant des demi-cercles sous les yeux et sur les joues. Le bec jaune et noir, et les yeux perçants, donnent à cette tête magnifique l’allure fière des rapaces.
Comme le mâle, elle explore toute la lisière de la parcelle de pins, s’élève à hauteur des cimes, traverse la route, et disparaît à son tour.
A l’approche de la période de reproduction, le mâle se surpasse pour séduire la femelle. Son vol nuptial est un spectacle rare. Il monte vers le ciel à la verticale, effectue tout en haut une cabriole, et se laisse tomber, ailes fermées. La femelle, posée, joue les belles indifférentes, tandis que le mâle continue sa parade.
Plusieurs fois il s’élève dans les airs, et pique vers le sol, pour remonter encore et faire sa cabriole, un peu moins haut à chaque fois.
Et brusquement, la femelle s’envole aussi, très haut, et rejoint le mâle. Là commence une série de jeux et de disputes en piaillant, ils piquent ensemble vers le sol, et au moment d’entamer une nouvelle ascension, elle fait volte face et présente ses serres au mâle, mais ils ne se toucheront pas.
Le nid de cette espèce se trouve sur le sol. Lorsque la nidification commence, la femelle reste au nid pour couver les œufs. Son plumage bigarré lui permet de se fondre littéralement dans le décor. Le mâle vient la nourrir, et lui donne sa nourriture d’une façon tout à fait spéciale. En s’approchant du nid, il émet un cri particulier qui invite la femelle à venir à sa rencontre. Ils se rapprochent l’un de l’autre, le mâle au-dessus de la femelle. Elle s’approche davantage, en se tournant vers lui et en l’appelant doucement. A ce moment-là, il lâche sa proie et elle la rattrape aussitôt. Parfois même, elle l’arrache des serres du mâle avant qu’il ne la lâche. La manœuvre n’échoue pratiquement jamais.
Au bout d’un mois de patience, les poussins voient le jour. Leur corps est recouvert d’un duvet très blanc, et les yeux sont cerclés de brun. Le mâle ramène les proies écorchées, et la femelle nourrit les jeunes au nid. A l’âge de deux mois, ils effectuent leurs premiers vols avec leurs parents. Ils semblent très maladroits, mais ils apprennent vite. Ils resteront groupés jusqu’à la fin de l’été, et quitteront le territoire parental tous ensemble.
Le busard Saint Martin peut se montrer agressif envers ses congénères, s’ils approchent du territoire où se trouve le nid. Lorsque les poussins sont nés, si un intrus s’aventure trop près, les deux parents accomplissent des vols à basse altitude, accompagnés de piaillements, afin d’intimider et d’éloigner les curieux.
De même, les poussins âgés de quelques jours sont assez aguerris pour réagir à une attaque. Si un prédateur tente de les saisir, ils projettent leurs serres en avant et ouvrent grand le bec de façon menaçante, en soufflant très fort. Cette attitude suffit souvent à décourager les visiteurs.
En résumé, le busard Saint Martin est un oiseau de proie gracieux, au comportement intéressant et original. Il aime les zones où poussent des arbustes, les lisières de forêt, les milieux découverts. Il lui arrive, en hiver, de dormir dans des dortoirs regroupant une dizaine d’individus, mais il passe souvent la nuit posé isolément sur le sol.
Je suis impressionnée par tant de beauté et de précision. Ces rapaces sont dotés d’un instinct rare et font preuve de grâce et d’agilité pour notre plus grand plaisir. J’espère le revoir encore et encore, afin d’observer attentivement ses comportements fascinants.
Photos de la femelle en vol en gros plan et des jeunes au nid par Jean Michel Peers
Son site: JMPN PHOTOGRAPHIE
Texte et photos de Nicole Bouglouan
Sources :
Observations personnelles sur le terrain
GUIDE DES RAPACES DIURNES – Europe, Afrique du Nord et Moyen-Orient de Benny Génsbol – Delachaux et Niestlé – ISBN : 2603013270
THE HANDBOOK OF BIRD IDENTIFICATION FOR EUROPE AND THE WESTERN PALEARCTIC by Mark Beaman, Steve Madge - C.Helm - ISBN: 0713639601
Wikipedia (Wikipedia, The Free Encyclopedia)
The Hawk Conservancy Trust (Hilary Smith)
Pájaros de España (JL Beamonte)
Animal Diversity Web - (University of Michigan Museum of Zoology)
Photos prises au cours d’une intervention pour la protection d’un nid dans un champ cultivé.
Ceci est fait afin d’éviter la destruction de la couvée par des prédateurs, et aide l’agriculteur à localiser le nid en cas de récolte précoce.
Cette action est dirigée par la LPO (Ligue de Protection des Oiseaux)