Conure ou perruche,
les petits envahisseurs verts !
La conure veuve et la perruche à collier font désormais partie de nos grandes cités. Souvent regroupées dans les grands parcs urbains, elles volent en bandes bruyantes d’un arbre à l’autre en un superbe éclair vert.
Si la conure veuve vient d’Amérique du Sud, et plus particulièrement d’Argentine et des pays voisins, la perruche à collier en revanche, arrive des régions tropicales de l’Afrique et de l’Inde.
Opportunistes, elles ont su s’adapter aux différences d’habitats et de climats. Les dérangements humains au sein des villes bruyantes ne parviennent même pas à les troubler ! Habitantes introduites certes, mais bien installées dans les grandes capitales à travers de nombreux pays où des populations férales importantes envahissent les zones vertes et arborées. Elles représentent parmi tant d’autres, deux des meilleurs exemples de l’adaptation des espèces à de nouveaux milieux.
Mon intérêt pour ces oiseaux est né voilà quelques années, le jour où une perruche à collier (Psittacula krameri) est arrivée dans notre jardin, ici, dans le sud-ouest de la France. La surprise fut grande, et notre inquiétude aussi. C’était l’hiver. Comment cet oiseau était-il arrivé ici ? Sans doute s’était-il échappé d’une cage ? Ses maîtres devaient le chercher ! Bref, de nombreuses pensées ont traversé notre esprit en un rien de temps, alors que la perruche s’était installée confortablement sur la mangeoire et se nourrissait tranquillement de graines. Les autres oiseaux du jardin, affolés, s’étaient dispersés dans les arbres voisins.
J’ai cherché à l’approcher en lui parlant, mais elle s’est éloignée. Elle a passé la nuit dans la haie de lauriers et a fini par s’installer dans le grand jardin des voisins. Elle passait chaque jour au-dessus de chez nous en criant. Elle avait l’air heureuse et en bonne santé. Elle est restée environ trois mois, puis a fini par disparaître du quartier. Nous ne l’avons jamais revue. C’était une femelle. Peut-être la saison de reproduction approchant est-elle partie en quête d’un mâle ? Nous ne le saurons jamais. Mais cette perruche à collier m’a permis de me documenter sur l’espèce et j’ai enfin compris que je n’avais pas à m’inquiéter pour elle…
La femelle n’a pas le collier qui justifie son nom, à peine une trace émeraude autour du cou, mais pas plus. Son corps revêt un beau plumage vert teinté de jaune par endroits, et de bleu-vert sur la longue queue.
Le mâle en revanche présente un collier noir et rose qui sépare de façon très élégante sa tête de son corps au plumage vert nuancé de jaune ou de vert plus foncé. L’œil noir brille de curiosité, entouré d’un cercle oculaire rose. Le bec crochu rose vif donne à l’oiseau un air comique qui correspond tout à fait à son esprit joueur et facétieux.
La perruche à collier se nourrit de fruits, graines et fleurs en tous genres. Elle épluche les graines, enlevant délicatement l’enveloppe qui cache la partie tendre. Sur la photo ci-dessus, elle se nourrit de graines de magnolias, et laisse tomber l’enveloppe rouge au pied de l’arbre pour n’en consommer que le cœur. Elle se nourrit suspendue au fruit, parfois la tête en bas, effectuant maintes acrobaties pour assouvir sa faim et surtout sa gourmandise.
Dans certains pays où elle réside, les grands rassemblements autour des sources de nourriture offertes par les cultures font d’elle un parasite important pour les récoltes que ces grands vols dévastent rapidement.
J’ai découvert la conure veuve (Myiopsitta monachus) à Tenerife (Iles Canaries-Espagne). Ces oiseaux vivent là toute l’année en groupes grégaires, passant d’un arbre à l’autre en troupes bavardes et bruyantes, et traversant le ciel bleu d’un même coup d’aile rapide.
Ces conures se nourrissent de graines, bourgeons, fleurs et fruits. Le jour où je les ai vues, elles grignotaient avidement des dattes dans un palmier en se chamaillant. Ces oiseaux se déplacent dans les arbres à l’aide des griffes et du bec, s’agrippant aux branches et aux feuilles rigides pour grimper ou bouger latéralement.
Les doigts sont aussi utilisés pour se nourrir. En effet, la conure et la perruche tiennent le fruit avec les doigts et le portent à leur bec pour le déguster plus à leur aise quand il n’est plus accroché à sa tige. Leur bec puissant leur permet aussi de casser une pomme de pin déjà ouverte afin d’en récupérer les graines.
Chez la conure veuve, mâle et femelle sont identiques. Plumage vert, rémiges bleu foncé et calotte grise, poitrine blanche striée de gris et abdomen blanc-verdâtre, telle est la conure veuve. Sa jolie tête s’orne d’un bec couleur corne alors que les yeux foncés en disent long quant à sa détermination à se nourrir et à défendre son espace ! Plus trapue que la perruche à collier, elle est aussi plus petite et sa queue nettement plus courte.
Ces deux oiseaux de la famille des Psittacidés nidifient de façon tout à fait différente. La perruche à collier s’installe dans une cavité naturelle, un trou dans un arbre ou une ancienne loge de pic. Si cela s’avère nécessaire, elle agrandit l’entrée du nid en mâchonnant le bois autour de l’entrée existante. La poussière et les débris ainsi récoltés servent à tapisser le fond de la cavité qui recevra les œufs. Mais elle peut aussi bien abriter sa couvée dans une crevasse dans un mur ou bien sous un toit. Elle nidifie en solitaire ou en colonies lâches et le couple est monogame.
La conure veuve nidifie seule ou en colonies, mais elle fait un nid, contrairement aux autres Psittacidés qui préfèrent les cavités. Elle s’installe dans les hautes branches d’un arbre, ou sur une structure haute. Le nid est fait de brindilles souvent épineuses pour en interdire l’accès aux prédateurs. Il peut comprendre une seule chambre ou beaucoup plus s’il s’agit d’une colonie. Ces grosses structures sont entretenues toute l’année par tous les membres du groupe. Certains nids agglomérés pèsent plus d’une tonne. De plus, ces nids servent aussi de dortoirs ce qui explique la maintenance permanente.
J’ai pu observer les conures veuves dans un palmier en train de se nourrir, mais avant de partir, chacune coupait une brindille à l’aide de son bec pour aller l’ajouter au nid.
Chez les deux espèces, le temps d’incubation est d’un peu plus de trois semaines, et la période au nid varie de six à sept semaines.
La conure veuve, native d’Argentine et du Brésil, a été introduite aux Etats Unis en tant qu’oiseau d’ornement. Des oiseaux échappés de captivité ont proliféré à travers le pays. Introduite en Europe, en Israël, au Japon, aux Bermudes, à Porto Rico et aux Canaries, l’espèce s’est remarquablement adaptée à ces différents milieux. Après avoir vécu dans des espaces naturels et vastes, elle a colonisé de nombreuses grandes villes, à commencer par les parcs urbains, avant de s’installer définitivement dans les parties arborées à la périphérie des grandes cités et surtout dans les zones cultivées et les vergers où elle fait des ravages. Ses cris aigus et ses hurlements, ainsi que les bavardages incessants à la colonie en font un oiseau bruyant qui tout en étant fort sympathique, n’en est pas moins parfois dérangeant.
La perruche à collier, originaire des régions tropicales de l’Afrique et de l’Inde, a été introduite au Moyen Orient et en Extrême Orient, et aux Etats-Unis, Angleterre, Pays bas, Belgique, Allemagne, Espagne et Italie. Elle est également arrivée en France et s’y trouve très bien ! Comme sa consœur la conure veuve, elle a su oublier les territoires d’origine de sa race, les étendues semi-désertiques et les forêts des pays où elle est née, pour apprécier les cultures où elle se nourrit en bandes dévastatrices, les parcs urbains, les vergers, et les grandes villes surpeuplées. Elle lance des cris perçants en vol ou quand elle reste posée dans un arbre, des sons rauques ou bien aigus si elle se sent menacée. Elle bavarde sans arrêt à la colonie. On ne peut pas la manquer ! Sa présence bruyante suscite de l’attendrissement ou de l’agacement, mais sa beauté et sa vivacité en font un oiseau attachant qui anime les parcs urbains par sa belle prestance.
Perruche ou conure, les Psittacidés sont tous des oiseaux attachants. D’une intelligence rare, ils s’adaptent et survivent parfois dans des conditions difficiles. Le commerce illégal, la déforestation, la persécution, les dérangements leur sont néfastes, et pourtant, ils se regroupent, vivent en colonies afin de profiter d’une certaine sécurité due au nombre et sont assez opportunistes pour arriver à survivre. Mais ils ne peuvent rien contre la perte de leur habitat, et les espèces disparaissent.
Mais nos petits envahisseurs verts, fort heureusement, ne sont pas menacés et se reproduisent avec un certain succès dans leurs pays d’adoption. Ces oiseaux sont très résistants et en dehors des régions polaires et des déserts, ces Psittacidés sont capables de vivre dans une grande variété d’habitats. Et après tout, ils apportent aussi une petite note d’exotisme dans nos villes parfois austères ! Alors, profitons pleinement de leur présence colorée, même si leurs cris résonnent quelquefois intensément à nos oreilles. C’est quand même plus agréable que le bruit de la circulation ou des sonneries de téléphones ! Il suffit juste de fermer les yeux et de s’imaginer marchant dans la forêt, entourés d’oiseaux aux couleurs vives… c’est ce que l’on appelle une évasion par la pensée !
Texte et photos de Nicole Bouglouan
Sources:
HANDBOOK OF THE BIRDS OF THE WORLD volume 4 by Josep del Hoyo, Andrew Elliot and Jordi Sargatal – LYNX EDICION – ISBN 8487334229
PARROTS OF THE WORLD – An Identification Guide – by Joseph M. Forshaw – Princeton University Press – ISBN 0691092516